Quand j’ai commencé ma carrière dans le digital il y a dix ans, c'est vrai que le paysage était un petit peu différent. J'aurais bien aimé savoir qu’en fait, « Everyone is winging it». (Tout le monde fait genre. ) J’ai fini par comprendre que chacun invente un peu en cours de route. C'est justement ça qui rend ces métiers-là hyper innovants, c’est super excitant car il n’y pas vraiment de mauvaises réponses. Quand tu t’en rends compte, tu peux y aller avec un peu plus de confiance en toi en sachant que ce qui importe réellement c’est ta manière de penser et de résoudre des problèmes. Quand on débute, ce qu'on apporte c'est une expérience de vie, un esprit, une manière de penser, une logique. Et si on a ça, ça va aller. J’ai beaucoup galéré avec le syndrome de l'imposteur. J’avais l'impression que tout le monde autour de moi avait plein d'expériences, que moi je sortais d’un milieu qui n’avait rien à voir. Avant de rejoindre Booking je faisais carrière dans le service en tant que serveuse et barmaid. Plus tard, un fois que j’étais devenue manager d’UX writers et que j’embauchais pour mon équipe, je me suis rendue compte pourquoi on m'avait encouragé à postuler dans la Tech. Les serveurs et serveuses sont très efficaces. On résout constamment des problèmes, on optimise sans cesse nos process (le placement des couverts, des verres, des bouteilles, l’organisation pour faire les cocktails, la séquence de débarras lors du service…) et on sait se mettre à la place du client pour les rassurer, leur donner envie, les conseiller. Et on est très terre à terre. Dans l’UX, ces compétences sont essentielles. Quand tu prends un peu de bouteille et que tu commences à parler avec des collègues, tu te rends compte qu’eux ils disent que « Ben non ça, j’ai jamais fait, mais c’est pas grave » et c'est OK. Puis, dans beaucoup de boîtes, surtout les scale-ups, ces entreprises qui grandissent hyper vite, on a besoin de faire progresser les gens assez rapidement. Donc il y en a plein qui se retrouvent managers ou seniors sans nécessairement se sentir prêts. Souvent ce n’est pas très sain car si on n'a pas les outils pour être un bon manager, ça peut faire vraiment des dégâts. Je pense qu’on est nombreux à avoir subi ces dégâts-là, pas nécessairement directement de la part d'une personne. Parfois, ça peut arriver qu’un individu soit mauvais, mais c’est surtout un problème de culture et de structure parce qu’avec beaucoup de personnes qui se retrouvent à manager sans avoir été correctement formés et sans avoir réellement envie d'être dans le management à s'occuper des humains, souvent ça fait des structures assez fragiles avec un manque de reconnaissance et un manque de soutien, surtout pour les managers. C'est un petit peu « free-style », c’est un petit peu le bordel parce que tout va trop vite, les décisions sont prises à la va vite, les équipes sont créées, dissoutes, tout change. Et c’est comme ça qu'on arrive au burn-out.
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